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ESSAI SUR L’HISTOIRE

o ou oc’h, signes caractéristiques du génitif singulier[1]. J’y remarque encore plusieurs prépositions et adverbes très en usage, tels que gwall ou wall, grandement[2] ; atô ou atu, toujours[3] ; mât, bien, etc.[4] J’y trouve la preuve que le genre de la plupart des mots celtiques n’a pas changé[5]. Je constate aussi entre autres règles actuelles pour les substantifs, celle qui les place au singulier après les noms de nombre cardinaux[6]. Je note enfin plusieurs temps et personnes des verbes d’aujourd’hui : tarc’h, il frappe ; réd, il court ; cecos, lâchez ; hanat ou ganet, engendré ; le présent, l’impératif, le passé[7]. Mais ce qui me paraît surtout remarquable, c’est l’observation d’une loi fondamentale de la langue celtique parlée, qui veut la permutation de certaines consonnes d’après certaines règles. Cette loi est si importante, que sa violation entraînerait le bouleversement de la grammaire, comme la fidélité à la suivre maintient la syntaxe celtique ; elle n’a pas, en effet, uniquement pour but de flatter l’ouïe par des sons harmonieux, elle est faite pour indiquer les genres, le rapport des mots entre eux, et former les liens du discours. L’exemple suivant que je donne pour les personnes peu familiarisées avec les langues dont je parle, permettra de l’apprécier. Si le mot français pied appartenait à ces langues, sa lettre initiale p, en vertu des règles de permutation, devrait se changer en douce pour le masculin et en forte pour le féminin, ou autrement en b, dans le cas où il s’agirait du pied d’un homme, et en f, de celui d’une femme, de sorte qu’on dirait pour le masculin, son bied, et, pour le féminin, son fied ; en supposant encore que les mots mère et bénie fussent bretons ou gaëls, on dirait une mère vénie : le changement du b en v indiquerait seul le rapport de l’adjectif et du nom. Ainsi des autres consonnes muables, dont on peut voir le tableau dans toutes les grammaires celtiques modernes.

Qu’on juge de l’importance des règles qui gouvernent ces consonnes et de l’obscurité que leur violation jetterait sur le sens du discours ! Hé bien, comme je viens de le dire, les débris conservés de l’ancienne langue celtique, nous les montrent aussi scrupuleusement observées qu’aujourd’hui : ils nous offrent les mêmes permutations de consonnes faites en vertu des mêmes lois ; et, pour n’en citer que quelques-unes, les changements de B en V[8], de K ou du C dur en G et en C’H (χ)[9], de G en H ou en C’H[10], de GW en W[11], de M en V[12], de P en F[13], etc. Y

  1. Vid. supr. Tarv-os-tri-garanus, p. vij. Note 2. Dur-o-vernum. Note 8.
  2. Vid. supr. Cas-ual-lon-us ou casivellaunus. En gallois, gwallawg, p. xj.
  3. Marti-Bel-atu-cadr-o (Inscrpt. connue). A Mars-Bel-toujours-guerrier. Breton, ataü ou atô. Gallois, éto et étua. Gallois, kadour et kadr. Breton, kadarn. Gaël-éc., kathac’h.
  4. Gallois, mât. Bret., mâd. Gaël-éc., mait.
  5. Vid. supr. p. vij. Trifenn, petorrod ou pederrot. Notes 12 et 13.
  6. Ibidem.
  7. Mât-tarc’h, frappe-bien, v. p. vij. Réd-on, eau (qui) court, p. x. Cecos, lâchez, p. ix. Baet-hanat, engendré du sanglier, p. xj.
  8. Kar-vilius (kar-Vili pour kar-Bili). Vid. p. xj.
  9. Ar-gel pour ar-kel, p. vij. Man-gun pour man-kun, p. x. Alpes-graiae (alp-graigau) pour alp-kraigau, p. x. Karilocus (Kar-c’hilok), au lieu de kar-kilok, p. x.
  10. Baet-hanat ou baet-c’hanat, pour baet-ganat, p. xj.
  11. Dur-o-vernum. Dour-o-wernou pour dur-o-gwernou, p. x. Casuallonus pour kas-gwalionus, p. xj.
  12. Αρβοριχοι (Arvorici) pour Armorici, aussi usité du reste.
  13. Trifenn pour tripenn, p. vij