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ESSAI SUR L’HISTOIRE DE LA LANGUE BRETONNE.



L’étranger qui voyage en France s’étonne, à mesure qu’il s’avance vers la mer, à l’ouest, d’entendre parler une langue différente de celle du reste du pays, et n’offrant même avec elle aucune espèce d’analogie. Les villes de la péninsule armoricaine, comprises dans les trois départements du Morbihan, du Finistère et des Côtes-du-Nord, lui présentent bien, à l’accent près, la même langue que toutes les autres villes qu’il a traversées, mais les campagnes cessent d’être françaises. S’il passe la mer et va en Angleterre, il est témoin d’un phénomène bien plus extraordinaire encore : ici, ce n’est plus seulement une province dont les habitants ne parlent pas la langue nationale, ce sont trois grandes divisions du pays, savoir : la principauté de Galles, l’Irlande et la Haute-Écosse ; et, chose singulière, les populations qui les forment, étrangères par l’idiome à la masse du peuple anglais, s’entendent entre elles quoique séparées, et peuvent comprendre à la rigueur les habitants de la péninsule armoricaine.

La science philologique et historique a cherché la cause de ce fait curieux, et elle a trouvé que les Bretons de France, les Gallois, les Irlandais et les montagnards de l’Écosse, appartiennent de plus ou moins près à une même famille primitive, dont chaque rameau parlait un dialecte d’une langue commune, qui, à travers les siècles et avec des variations inévitables, est arrivée jusqu’à nous. On peut même écrire l’histoire de cette langue, depuis les premiers siècles de l’ère chrétienne ; assez de monuments littéraires authentiques nous restent pour la faire ; mais, en remontant plus haut, la tâche devient difficile, faute de textes originaux : elle n’est pourtant pas impossible, et nous la tenterons par le moyen que nous indiquerons tout à l’heure ; puis, après avoir cherché quels étaient les caractères de la langue que parlaient les ancêtres des Bretons de Galles et d’Armorique, et des Gaëls d’Irlande et d’Écosse nous nous arrêterons à l’histoire particulière de la langue bretonne armoricaine, qui fait l’objet de ce travail. Il se divise en quatre époques : la première, concernant les origines, embrasse les temps obscurs antérieurs au christianisme, et va jusqu’au ve siècle de notre ère ; la seconde s’étend du ve siècle au xiie ; la troisième s’arrête à la fin du xve siècle ; la quatrième comprend les trois derniers siècles et le nôtre.

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