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tous les moyens en son pouvoir de protéger son village et les villages voisins contre la cupidité des intendants du seigneur absent. Ce seigneur passe son temps à la cour du shogun à Yeddo et s’inquiète peu des exactions de son chargé d’affaires, qu’il préfère ignorer. Le mal étant arrivé, malgré les efforts de Sogoro, au degré où on ne peut plus le supporter, celui-ci décide enfin plusieurs de ses amis à l’accompagner à Yeddo où ils tenteront de faire entendre la vérité à leur seigneur. C’est déjà un certain risque à courir, les seigneurs ayant peu de goût pour les vérités de ce genre. Aussi le maître de Sogoro refuse-t-il obstinément de recevoir la députation et il ne reste plus qu’une ressource désespérée, l’appel personnel au shogun. Cela c’est la mort sans phrases pour celui qui présentera l’appel. Le shogun fera sûrement cesser les exactions, semoncera le coupable, mais le paysan qui se permet de témoigner contre son maître est puni de mort (curieuse législation, soit dit en passant, mais qui a réellement existé au Japon jusqu’à une époque très récente). Sogoro n’hésite pas. Il renvoie ses amis dans leurs villages, car il veut se sacrifier seul. Il retourne une nuit chez lui faire ses adieux à sa femme et à ses enfants, puis revient à Yeddo bien décidé à donner sa vie pour le salut de ses conci-