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ment japonais, l’ésotérisme avais pris des proportions invraisemblables et puériles. Tout était mystère, initiation, tradition jalousement gardée. On avait l’honneur d’être un des trois ou quatre hommes qui savaient le sens caché, — purement artificiel et convenu — de trois mots dans un roman. On inventait des secrets innocents pour avoir la gloire de les garder au péril de sa vie. Les arts, les métiers, les plaisirs mêmes, s’enseignaient mystérieusement de maître à élève sous le sceau du serment. Les façons et les études européennes ont beaucoup dissipé ces brouillards, mais il en reste encore assez pour expliquer bien des malentendus.

La logique — en tant que forme d’argumentation — ne peut pas être le fort d’un peuple si épris de symbolisme et de mystère ; je n’ai vu nulle part que les Japonais se plaisent à ces exercices dialectiques, luttes oratoires, où les mots brillent et se croisent comme des épées, où on aiguise son esprit sans guère d’autre désir que de le montrer. Le Japonais n’est enclin ni à discuter ni à prêcher ; quand on voit un homme parler tout seul à d’autres qui l’écoutent, c’est qu’il raconte des histoires, métier lucratif au Japon. Mais la logique pratique, c’est-à-dire l’application directe des théories aux choses de la vie, est