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longues aventures, l’empêche aussi de spéculer sur les causes premières et sur les problèmes de l’inconnaissable. Il a une corde de moins ou il est mieux équilibré ; le quelque chose en excès d’où jaillissent les grandes audaces du génie lui manque, mais il ne connaît pas les effroyables révoltes et les abîmes du désespoir. Sa lyre monte moins haut, mais n’est pas sujette à se détendre. Elle rend un son plus uni, plus soutenu, sans atteindre aux accents surhumains et sans tomber aux hoquets du délire. Le Japonais n’est pas le fils de Prométhée qui dérobait jusqu’au feu du ciel — très inutilement du reste — il est plutôt cousin de la fourmi, docile, infatigable, brave à la guerre et indifférente à la mort comme lui.

Est-ce là le Japon moderne, dira-t-on ? Comment concilier cette psychologie avec les guerres récentes et l’ubiquité soudaine de ce petit homme jaune que l’on voit partout ? Le Japon est un problème insoluble, une désolante énigme, son dernier avatar renverse tout son passé, il semble se renier lui-même en ce moment. Est-ce l’aurore de la grandeur de la race ? et tout le reste est-il balbutiement de l’enfance ? Ou est-ce l’explosion finale du feu qui va s’éteindre ?