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dans un archipel, et chez un peuple qui n’a pu arriver que par mer. Le Japon étant un pays pauvre par lui-même, si ses habitants se trouvent bien chez eux au point de n’avoir pas la velléité d’en sortir, c’est qu’ils sont modérés dans leurs désirs et c’est aussi que l’imagination ne les tourmente point. Ils ne sont pas poussés par cet indéfinissable besoin d’aller plus loin, cette hantise de l’inconnu, cette attirance de l’ailleurs, de voir ce qu’il y a derrière la montagne ou de l’autre côté de la mer. Car tous les navigateurs ne sont pas commerçants : les anciens Scandinaves étaient poussés par ce besoin d’aller en avant. Sans doute ils pillaient, mais il est probable que le plaisir de se risquer et de courir plus loin dépassait celui du pillage. Ni les Espagnols ni les Portugais qui ont découvert la moitié du monde ne sont de grands commerçants, l’esprit d’aventure les poussait. Rien de semblable chez le Japonais : ce n’est pas le soin de son individu qui le retient, nul peuple plus que lui ne méprise la mort, c’est bien l’élan qui fait défaut, la curiosité, l’inquiétude, si l’on veut. Encore une raison d’être tout différent de nous et incompréhensible. Au fond c’est parce qu’il a cette insouciance de l’au-delà, cette incuriosité de l’inconnu qu’il n’est pas religieux ; ce qui en lui l’empêche de tenter les