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l’inconnu ; il n’a pas inventé d’astronomie et sa cosmogonie n’a pas dépassé l’acte sexuel. Son carré de riz ne pouvait lui enseigner que l’enchaînement de cause à effet avec la patience, la persévérance et la résignation. J’ai remarqué qu’il n’a pas de poème épique. D’où serait-il sorti ? Là-bas, pendant les longues veilles, les pâtres n’ont pas redit en les embellissant sans cesse ces contes qui, partis d’une banale histoire de vol de bétail, s’enflent jusqu’aux mythes qui feront pâlir plus tard le savant perplexe. Comme il n’a jamais eu de temps à perdre, il n’a pas essayé de reproduire, sur un chalumeau emprunté au prochain bocage, les harmonies qu’on n’entend qu’en les écoutant longtemps et il n’est pas devenu musicien[1]. Presque tous les mots importants, primitifs de nos langues, rappellent la vie pastorale, nos images familières encore plus. Nous usons sans cesse et sans y penser de métaphores empruntées à la garde et à l’élève des troupeaux. Nos idées de gens modernes, habitants des villes, industriels ou intellectuels, se sont coulées dans ce vieux moule, legs des lointains ancêtres inconnus. Rien n’est plus sûr que l’origine

  1. Remarquer que les plus belles voix du temps présent viennent d’Australie, pays d’élevage s’il en fût, et d’Amérique où il y a encore beaucoup de troupeaux.