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grimpant partout, mordillant les ronces, dressées sur leurs pieds de derrière pour tirailler les branches basses d’un jeune arbre. Pas de porcs trottant et grognant à travers les routes. Pas de canards barbotant dans les ruisseaux, presque pas de poules autour des maisons. C’est une des choses qui font qu’on se sent exilé au Japon plus qu’ailleurs : partout, si on ne comprend pas les gens, on comprend du moins les bêtes ; sans avoir appris aucune langue étrangère, on sait où chaque animal aime à être gratté ; tout au moins prend-on plaisir à suivre des yeux ses mouvements familiers. Pas au Nippon. On n’entend pas meugler ni braire, le chevrotement de la chèvre ni le bêlement de la brebis n’appellent point le petit égaré. Les oiseaux mêmes chantent sur d’autres notes, et combien peu !

L’absence de bétail a une importance capitale à un point de vue autrement sérieux que le désappointement du voyageur qui passe. C’est une des plus fortes raisons que le Japonais a d’être autrement que nous. Sa mentalité ne peut pas être la nôtre parce qu’il n’a pas d’ancêtres pasteurs. Aryens ou sémites, tous nous descendons de peuples bergers : à l’aube de nos civilisations on trouve l’homme occupé du soin des troupeaux. Nomade ou déjà fixé, la plus grande