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caresse avec amour, l’amateur qui le passe à sa ceinture ont justement toutes les qualités voulues pour que le netzké soit un petit chef-d’œuvre. Minutie, exactitude, fantaisie légère et gracieuse, proportions exiguës, patience et sûreté de main d’une part ; goût délicat, sens très fin de l’art, appréciation spirituelle des intentions de l’ouvrier de l’autre. Voilà pourquoi l’ivoire japonais est sans rival dans le monde, quand il n’est pas moderne s’entend. Car aujourd’hui que l’artiste japonais travaille pour le goût des barbares, il produit des horreurs presque comme un Dieppois, à moins qu’il ne reproduise ses anciens modèles, car ce n’est pas la sûreté et l’habileté de mains qui sont perdues et il reste difficile quelquefois de distinguer l’original de la copie. Mais c’est la pureté du goût, le sens de la mesure qui vont s’amoindrissant parce qu’ils dépendaient peut-être encore plus du connaisseur qui achetait le bibelot que de l’artisan qui le créait. Faites la comparaison entre l’ancien Japonais féodal, grand seigneur, réservé, cérémonieux, méticuleux, connaisseur raffiné d’autrefois, et l’Américain — sans épithètes — d’aujourd’hui, vous comprendrez tout de suite que l’ivoire qu’on ciselait pour l’un n’est pas l’ivoire qu’on fabriquera pour l’autre. Ce n’est pas que l’Américain ne recherche pas