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affaire. Je n’ai à envisager l’art japonais qu’au point de vue japonais, à inférer les besoins de la nature de la production et à inférer le caractère des amateurs de la nature de leurs besoins. Ce qui paraît tout à fait évident, c’est que le Japonais ne peut se passer de beauté : tout ce qu’il touche, tout ce qui l’entoure, le revêt, lui sert d’outil, d’abri, de distraction, même de jouet, est ravissant, soigné, fini, délicatement approprié à son but et sobrement orné. Cela prouve d’une part qu’il a l’œil observateur et le goût fin avec une nature sensuelle, d’autre part qu’il est doué du sens des proporportions : un parfait artiste, moins l’idéal. L’art est partout, et rien n’est laid, rien n’est abandonné, repoussant, mal gracieux, disproportionné ni banal. Il ne faut pas chercher au Japon cette distinction entre l’art et la vie réelle que nous faisons ici avec une conviction si amusante que cela doit être ainsi. Là-bas, c’est la vie réelle qui doit être jolie, non l’existence artificielle de quelques riches originaux. La petite cabane d’un pauvre bonhomme au bord d’une route est bâtie dans sa simplicité sur les mêmes règles et d’après le même canon de proportions que la demeure d’un riche. La petite coupe minuscule où il boit son thé est d’une forme aussi pure et d’une décoration aussi simple et ingénieuse,