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lettres qui est commun à presque toutes les langues dont ils ont l’occasion d’user, ne peuvent se faire aucune idée de ce qu’un petit Japonais doit apprendre à l’école pour savoir lire et écrire, et tous les Japonais ou peu s’en faut possèdent ce talent. Talent n’est pas de trop : il faut une espèce de génie divinatoire et une mémoire surprenante pour déchiffrer un texte japonais ordinaire ; une sûreté de main et de coup d’œil merveilleuse pour le copier. Un homme qui peut lire sans hésiter n’importe quel texte japonais est un lettré, et celui qui écrit bien est un artiste estimé à l’égal des plus grands peintres. Chez nous, un garçon pourvu d’une simple éducation primaire peut lire tout haut correctement et d’une manière compréhensible une page de haute philosophie sans en comprendre lui-même un mot, mais un Japonais ne le peut pas. Il faut qu’il comprenne le contexte pour savoir quel son donner à un caractère qui en a souvent jusqu’à trois, et, autre terrible complication, pour savoir si ce caractère représente dans la phrase une idée ou un son. Le même signe peut vouloir dire un homme ou équivaloir dans un mot à la syllabe jin, ou à la syllabe hito, il faut savoir discerner cela, j’allais dire au premier coup d’œil, mais il m’a semblé dans la pratique que ce n’était qu’au second. Le Japonais prend le temps de