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Ensuite, c’est l’expression d’un fait naturel, le vide, et non d’une sensation de tiraillement qui reste sousentendue. Il semble que de même qu’il n’y a pas de pronom, il n’y ait personne pour sentir ; et c’est bien japonais cette personnalité passée sous silence. Par suite de cette même tournure d’esprit, on ne personnifie pas par figure de rhétorique les idées abstraites. On ne dit pas : l’ivrognerie avilit le peuple, mais un peuple qui boit trop est avili. Ni : la chaleur nous accable, mais : on est fatigué à cause de la chaleur. Les Japonais n’éprouvent pas le besoin de donner de sexe à leurs mots ni de parler d’eux-mêmes au masculin ni au féminin, selon le cas. Cela reste indéterminé et mainte petite poésie légère ne peut être attribuée à un monsieur plutôt qu’à une dame, qu’à cause de certaines comparaisons dont l’usage a fait l’apanage d’un sexe plutôt que de l’autre. Si ces indices subtils manquent, on reste dans le doute. Il n’y a pas plus de distinction entre le singulier et le pluriel ; à vous de vous rendre compte — si vous pouvez — d’après le contexte de l’unité ou de la quantité. Si on parle de la lune, évidemment il n’y en a qu’une, mais si c’est d’étoile qu’il s’agit, cela peut être Sirius ou toute la voie lactée. Imaginez-vous combien différente de la nôtre doit être la pensée d’un