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est lascive. Un poète sensible à la volupté a eu bien raison de dire :

                Évitez
 Le fond des bois et leur vaste silence.

Une promenade sur les quais, d’étalage en étalage, n’offre aucun de ces dangers : les bouquins ne troublent point le cœur. Si quelques-uns parlent d’amour, ils en parlent dans un langage ancien, avec des caractères d’autrefois, et ils font penser à la mort en même temps qu’à l’amour. Mon chanoine et mon vicaire avaient bien raison de passer une grande partie de cette vie transitoire entre le Pont-Royal et le pont Saint-Michel. Le spectacle que leurs yeux y rencontrèrent le plus souvent fut celui de la petite fleurette d’or que les relieurs du XVIIIe siècle appliquaient sur le dos de veau des livres, entre chaque nervure. Et c’est sans doute un spectacle plus innocent encore que celui des lis des champs, qui ne travaillent ni ne filent, mais qui aiment et que les papillons font tressaillir dans le mystère de leur corolle charmante. Oh ! les saintes gens que le chanoine et le vicaire ! Je crois qu’ils n’eurent jamais ni l’un ni l’autre une mauvaise pensée.

Pour ce qui est du chanoine, j’en mettrais ma main au feu : il était jovial. À soixante-dix ans, il avait l’âme et les joues d’un petit enfant. Jamais lunettes d’or ne chaussèrent un nez plus simple pour éclairer des yeux plus candides. Le vicaire, avec son long nez et ses joues creuses, fut peut-être un saint : le chanoine était assurément