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Il parle d’une manière fort intéressante, avec une bonne humeur tout à fait agréable. Il m’a inspiré de la sympathie. Je sais de lui des traits qui l’honorent, je l’estime profondément, mais je ne connais pas de livres qui me déplaisent plus que les siens. Je ne sais rien au monde de plus désobligeant que ses conceptions, ni de plus disgracieux que son style.

J’avoue que jusqu’ici je l’avais fort peu pratiqué comme « auteur » . Je distinguais mal les romans dont il a rempli l’univers. J’éprouvais à leur égard une secrète et sûre défiance ; je sentais qu’ils n’étaient pas faits pour moi et j’avais l’instinct que cela m’était ennemi. Si je m’étais cru, je serais mort sans avoir lu une ligne de M. Ohnet. Je me serais épargné cette pénible et dangereuse épreuve. Je mets beaucoup de soin à éviter dans la vie ce qui me semble laid. Je craindrais de devenir très méchant si j’étais forcé de vivre en face de ce qui me choque, me blesse et m’afflige. C’est pourquoi j’étais résolu à ne pas lire Volonté. Mais le sort en a disposé autrement.

J’ai lu Volonté, et j’ai d’abord été très malheureux. Il n’y a pas une page, pas une ligne, pas un mot, pas une syllabe de ce livre qui ne m’ait choqué, offensé, attristé. J’eus envie d’en pleurer avec toutes les Muses. Je n’avais jamais lu encore un livre si mauvais : cela même me le rendit considérable, et je finis par en concevoir une espèce d’admiration. M. Ohnet est détestable avec égalité et plénitude ; il est harmonieux et donne l’idée d’un genre de perfection. C’est du génie cela. Je ne