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rais adoptée. Qu’en pensez-vous ? Et comment se procurer une petite fille ? Le mal, c’est que les gitanas sont trop brunes et qu’elles ont des cheveux comme du crin. Pourquoi n’avez-vous pas une petite fille avec des cheveux d’or à me céder !

Même regret quelque temps après :

Le monde m’assomme, et je ne sais que devenir. Je n’ai plus un ami au monde, je crois. J’ai perdu tous ceux que j’aimais, qui sont morts ou changés. Si j’avais le moyen, j’adopterais une petite fille ; mais ce monde, et surtout ce pays-ci, est si incertain, que je n’ose me donner ce luxe.

Les années se passent, et ce regret demeure. Il plaint sa solitude. Il constate douloureusement l’impossibilité de garder un ami, et il exprime de nouveau le désir « d’avoir une petite fille ».

Mais, ajoute-t-il, il pourrait bien se faire que le petit monstre, après quelques années, s’amourachât d’un chien coiffé et me plantât là.

Pourtant ce rêve le poursuit jusque dans la vieillesse et dans la maladie. En 1867, à Cannes, où le retenait l’affection de poitrine dont il devait bientôt mourir, il vit les trois enfants de M. Prévost-Paradol, dont l’une était une fille de treize ans vraiment ravissante : alors le regret de n’avoir pas d’enfant gonfla ce cœur déjà à demi glacé. Mérimée écrivit à une dame avec laquelle il était en correspondance depuis plusieurs années :