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Cette attitude ne trompa pas madame Senior, qui écrivit à son ami qu’il était naturellement un bon homme. Il en tomba d’accord :

Je suis charmé que vous me croyiez a good natured-man. Je crois que c’est vrai. Je n’ai jamais été méchant ; mais, en vieillissant, j’ai tâché d’éviter de faire du mal, et c’est plus difficile qu’on ne croit.

Puis, regrettant, par une contradiction bien humaine, de paraître tel qu’il s’était montré, et d’avoir réussi à cacher ses bonnes qualités, il se plaignait d’être mal jugé, injustement condamné par l’opinion. Il attribuait à sa seule franchise la solitude morale que son orgueil, sa timidité et sa supériorité avaient faite autour de lui.

Si j’avais à recommencer ma vie avec l’expérience que j’ai acquise, je m’appliquerais à être hypocrite et à flatter tout le monde. Maintenant, le jeu ne vaut pas la chandelle. D’un autre côté, il y a quelque chose de triste à plaire aux gens sous un masque et à penser qu’en se démasquant on deviendra odieux.

Son regret le plus vif et le plus constant était de n’avoir pas un enfant, une petite fille, à élever. Il écrivait en 1855 à madame Senior :

Je suis trop vieux pour me marier, mais je voudrais trouver une petite fille toute faite à élever. J’ai pensé souvent à acheter une enfant à une gitana, parce que, si mon éducation tournait mal, je n’aurais probablement pas rendu plus malheureuse la petite créature que j’au-