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dément des ardeurs, parfois des convictions, en tout cas des délicatesses dont ne se doute même pas la grossière honnêteté de ceux qu’ils scandalisent ».

Il faut dire que les lettres inédites publiées par M. d’Haussonville, dans cette étude, nous révèlent un Mérimée que les correspondances avec Panizzi et les deux Inconnues ne permettaient point de soupçonner, un Mérimée tendre, affectueux, fidèle et bon. Ces lettres — il y en a une vingtaine environ — sont écrites, les unes à une dame anglaise pleine de grâce et d’esprit, mistress Senior, la belle-fille de M. William Senior, qui a laissé un recueil de souvenirs ; les autres à « la fille d’un soldat deux fois illustre, et par le nom qu’il portait, et par le rang élevé qu’il avait atteint dans notre armée ». Mérimée se montre naturel, confiant, affectueux avec l’une et l’autre. On sait qu’il donnait volontiers sa confiance aux femmes. L’amitié, qu’il jugeait tout à fait chimérique entre hommes, ne lui semblait pas absolument impossible d’un homme à une femme. Il la tenait seulement pour difficile en ce cas, et même « diablement difficile, car le diable se mêle de la partie » ; mais enfin il se flattait d’avoir eu deux amies.

L’âge aidant, il aima les femmes d’une amitié spirituelle tout à fait charmante. Un tel commerce est la dernière joie des voluptueux. Quoi que disent les théologiens, les âmes ont un sexe aussi bien que les corps. Mérimée le savait. Il eut de tout temps le goût et le sens de la femme. Son tort fut d’affecter parfois, à l’exemple