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sans la douleur ; mais, pour la même raison, on ne saurait s’y montrer excellent. Car il est impossible d’imaginer des êtres possédant à la fois la bonté et la béatitude. La vertu suppose forcément la faculté du sacrifice ; un être qui ne peut cesser d’être heureux est condamné à une perpétuelle médiocrité morale. Cela ne laisse pas d’être embarrassant. Quand on y songe, on ne sait que désirer et l’on n’ose rien souhaiter, pas même le bonheur universel.

Faustus et Stella rencontrent une troupe nombreuse de cavaliers de toutes les races, autrefois esclaves sur la terre, maintenant libres et jouissant avec ivresse de leur indépendance. Ils admirent en eux la beauté des divers types humains. Et ce n’est pas sans raison : la liberté embellit les forts qui l’embrassent, et cette vérité naturelle a servi de fondement aux préjugés aristocratiques, si fortement enracinés dans toutes les sociétés humaines. Je ferai seulement observer qu’il faut que Faustus et Stella aient encore présentes aux yeux les apparences de la terre, pour se représenter si vivement l’image de la liberté. Car la liberté ne saurait exister dans un monde où la servitude n’existe pas. La vision des deux amants n’est, à proprement parler, qu’un mirage. La planète des heureux ne peut porter en son sein fleuri la guerrière Liberté, la vierge aux bras sanglants. Celle-là ne se révèle que dans le combat : les planètes heureuses ne la connaissent pas. Plus j’y songe et plus je me persuade que les planètes heureuses ne connaissent rien.