Page:La Vie littéraire, II.djvu/59

Cette page n’a pas encore été corrigée

Havre sa femme, sur le retour, et ses enfants déjà grands. Là, madame Roland apaisée et tranquille vivait de ses souvenirs secrets, qui n’avaient rien d’amer, car, dit-on, l’amertume s’attache seulement aux fautes contre l’amour. À quarante-huit ans, elle pouvait se féliciter d’une liaison qui avait rendu sa vie charmante, sans rien coûter à son honneur de bourgeoise et de mère de famille. Mais voici que tout à coup on apprend que Maréchal est mort et qu’il a institué un des fils Roland, le second, son légataire universel.

Telle est la situation, j’allais dire l’hypothèse dont le conteur est parti. N’avais-je pas raison d’affirmer qu’elle est étrange ? Maréchal avait témoigné, de son vivant, la même affection aux deux petits Roland. Sans doute, il ne pouvait, dans le fond de son cœur, les aimer tous deux également. Qu’il préférât son fils, rien de plus naturel. Mais il sentait que sa préférence ne pouvait paraître sans indiscrétion. Comment ne comprit-il pas que cette même préférence serait plus indiscrète encore si elle éclatait tout à coup par un acte posthume et solennel ? Comment ne lui apparut-il pas qu’il ne pouvait favoriser le second de ces enfants sans exposer aux soupçons la réputation de leur mère ? D’ailleurs, la délicatesse la plus naturelle ne lui inspirait-elle pas de traiter avec égalité les deux frères, par cette considération qu’ils étaient nés, l’un comme l’autre, de celle qui l’avait aimé ?

N’importe ! le testament de M. Maréchal est un fait. Ce fait n’est pas absolument invraisemblable ; on peut, on doit l’accepter. Quelles seront les conséquences de