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GUSTAVE FLAUBERT[1]

C’était en 1873, un dimanche d’automne. J’allai le voir tout ému. Je me tenais le cœur en sonnant à la porte du petit appartement qu’il habitait alors rue Murillo. Il vint lui-même ouvrir. De ma vie je n’avais vu rien de semblable. Sa taille était haute, ses épaules larges ; il était vaste, éclatant et sonore ; il portait avec aisance une espèce de caban marron, vrai vêtement de pirate ; des braies amples comme une jupe lui tombaient sur les talons. Chauve et chevelu, le front ridé, l’œil clair, les joues rouges, la moustache incolore et pendante, il réalisait tout ce que nous lisons des vieux chefs scandinaves, dont le sang coulait dans ses veines, mais non point sans mélange.

Issu d’un Champenois et d’une Bas-Normande de vieille souche, Gustave Flaubert était bien un fils de la

  1. À propos de sa Correspondance. In-18, Charpentier, éditeur.