Page:La Vie littéraire, II.djvu/42

Cette page n’a pas encore été corrigée

invisibles et aux muses. Parce qu’il est religieux, le jouet est artiste. Je vous prie de tenir cette proposition pour démontrée. Les cultes et les arts procèdent d’une même inspiration. Du bambin qui range avec effort ses soldats de plomb sur une table, au vénérable M. Ravaisson groupant avec enthousiasme, dans son atelier du Louvre, la Vénus Victrix et l’Achille Borghèse, il n’y a qu’une nuance de sentiment. Le principe des deux actions est identiquement le même. Tout marmot qui combine ses jouets est déjà un esthète.

Il est bien vrai de dire que la poupée est l’ébauche de la statue. En face de certaines figurines de la nécropole de Myrrhina, le savant M. Edmond Pottier hésite, ne sachant s’il a devant lui une poupée ou une idole. Les poupées qu’aux jours de beauté, dans la sainte Hellas, les petites filles des héros pressaient contre leur cœur, ces poupées ont péri ; elles étaient de cire et elles ont fondu au soleil. Elles n’ont pas survécu aux bras charmants qui, après les avoir portées, se sont ouverts pour l’amour ou crispés dans le désespoir, et puis qu’a glacés la mort. Je regrette ces poupées de cire : j’imagine que le génie grec avait donné la grâce à leur fragilité. Celles qui nous restent sont de terre cuite ; ce sont de pauvres petites poupées, trouvées dans des tombeaux d’enfants. Leurs membres grêles sont articulés comme les bras et les jambes des pantins. C’est là encore un caractère qu’il faut considérer.

Si la poupée procède de la statuaire par sa plastique, elle doit à la souplesse de ses articulations d’autres