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les femmes fortes de la Bible, les sibylles de Rome et de Cumes, les amazones et les preuses. Elle met Jeanne la bergère au-dessus de toutes ces héroïnes qui l’annoncent et la préparent. Elle attend d’elle la délivrance du royaume, la résurrection de ce grand peuple plus malheureux qu’un chien. (Tout ce grand peuple chenin par femme est sours.) Mais, chrétienne en même temps que Française, elle ne borne pas à la défaite des Anglais la mission de Jeanne. Elle annonce que la Pucelle victorieuse conduira le roi de France à la conquête du tombeau de Jésus-Christ et ne mourra que sur la terre sanctifiée par la mort d’un Dieu.

 Des Sarrazins fera essart
 En conquérant la sainte terre ;
 Le mènra Charles, que Dieu gard’,
 Ains qu’il muire fera tel erre.
 Cils et cil qui la doit conquerre :
 Là doit elle finer sa vie
 Et l’un et l’autre gloire acquerre,
 Là sera la chose assovye.

C’était trop désirer ; c’était trop attendre de la pauvre et sainte fille. On peut pressentir dès lors, en cette belle heure de gloire et d’espérance, les jours prochains d’amertume et de déception. Jeanne était condamnée à vaincre toujours. Pour elle la moindre défaite était une irréparable déchéance. Vaincue, elle ne pouvait trouver de refuge que dans le martyre.

Le peuple de France, il est consolant de le dire, n’oublia pas sa sainte après la passion qu’elle souffrit à Rouen, sous le régent d’Angleterre. Ce sont encore les