Page:La Vie littéraire, II.djvu/381

Cette page n’a pas encore été corrigée

héroïne. Il n’est pas trop extravagant et, à cela près qu’il veut toujours étaler sa science et son génie, c’est un fort honnête homme. Il faut lui pardonner son invocation à Apollon, aux Muses et à Pan, et souffrir qu’il mette les noms de Phébus et de Nérée dans la bouche des anges du paradis. Il faut surtout ne point s’étonner s’il compare sans cesse Jeanne à Camille et à Penthésilée. Christine de Pisan et Gerson l’avaient fait avant lui. Les beaux esprits du XVe siècle étaient beaucoup plus entêtés de la Grèce et de Rome qu’on ne s’imagine. N’avez-vous pas vu à Pierrefonds la cheminée des neuf preuses que Viollet-le-Duc a restituée d’après des monuments de l’époque ? Penthésilée, la main sur son écu, y figure avec une héroïque élégance. En 1429, un clerc français habitait Rome et y rédigeait une chronique. À la nouvelle de la délivrance d’Orléans, il mit par écrit les exploits de la Pucelle et conclut que les hauts faits de la jeune fille paraîtraient d’autant plus admirables qu’on les mettrait en comparaison avec ceux des héroïnes sacrées ou profanes : Déborah, Judith, Esther, Penthésilée. « Notre Pucelle, dit-il, les surpasse toutes. » Il n’en est pas moins vrai que Valerand manque de naïveté, qu’il imite beaucoup trop Ovide et Stace, et qu’enfin il est parfaitement ridicule quand il fait dire à Jeanne d’Arc qu’elle n’est pas venue des rochers scytiques, qu’elle n’a habité ni Ortygie, ni les champs du Phase.

 Scythicis non eruta veni
 Rupibus……………………………..
… Nec Ortygiam colui, nec Phasidis agros.