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d’Abbeville, a poursuivi paisiblement ses sorcelleries de poète érudit et fait paraître d’innombrables ombres dans son miroir magique. Il est de la race de Faust et veut voir Hélène. Mais le diable n’a pas de pouvoir sur lui.

En fils pieux d’Abbeville, il s’est voué, dans ces dernières années, à l’illustration d’un vieux poème latin que publia en 1516, un autre fils d’Abbeville, Valerand de la Varanne, docteur en théologie de la Faculté de Paris, De gestis Joannæ virginis, francæ egregiæ bellatricis. Ce poème, composé sur les gestes de Jeanne d’Arc, par un clerc qui avait pu voir dans sa jeunesse des vieillards contemporains de la Pucelle, méritait d’être tiré de l’oubli et l’œuvre est angélique que de nous en donner une édition lisible, correcte, surtout aimable. C’est ce qu’a fait, en Abbeville, M. Prarond, scoliaste d’une espèce singulière. Les gloses, sous sa plume, se tournaient en vers et c’est en sonnets et en odes qu’il illustrait son auteur. Il y prit garde à temps, et, détachant ces enluminures des marges, du vieux texte, il en fit un petit recueil à part, qu’il appela la Voie Sacrée, ne voulant pas, par un pieux scrupule, mettre le nom de l’héroïne sur les poésies qu’elle avait inspirées. Ce respect, joint à l’assiduité du culte, a été récompensé.

La Voie Sacrée est peut être ce que Jeanne d’Arc a dicté de plus vrai à un poète. L’inspiration de M. Ernest Prarond y garde, sans doute, ce je ne sais quoi de détourné, de sinueux, de fuyant qui destine toutes ses œuvres à l’ombre douce des productions ésotériques : rien là qui puisse devenir populaire. Mais, pour les