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soi-même par une suprême habileté, faisant tout croire et croyant tout.

Pourtant, il y a çà et là, ce me semble, dans les ouvrages qui nous restent de lui, quelques pages empreintes d’une gravité vraiment philosophique et où l’on croit entendre comme un dernier écho de cette sagesse grecque, que rien au monde n’a surpassé. Il y a bien longtemps que je n’ai relu le petit traité du Démon de Socrate. J’en ai conservé un souvenir agréable. Vous savez qu’Apulée croyait aux démons. Les démons, disait-il, habite des régions aériennes jusqu’au premier cercle de la Lune, où commence l’éther.

Ce sont là des rêveries permises. Les hommes seraient bien malheureux si on les empêchait de rêver à l’inconnaissable. Mais ce qui m’a le plus touché jadis, en lisant ce traité du Démon de Socrate, c’est une définition de l’homme qui s’y rencontre et que j’ai copiée. Je la trouve à point dans mes vieux papiers, ce qui est une espèce de miracle, car je n’ai point de dossiers et n’en aurai de ma vie, tant le papier barbouillé m’inspire d’horreur et d’ennui. Voici comment Apulée définit la condition des hommes :

« Les hommes, agissant par la raison, puissants par la parole, ont une âme immortelle, des organes périssables, un esprit léger et inquiet, un corps brut et infirme, des mœurs dissemblables, des erreurs communes, une audace opiniâtre, une espérance obstinée, de vains labeurs, une fortune inconstante ; mortels à les prendre isolément, immortels par la reproduction de la race,