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nous trompent plus. Il faut aujourd’hui, pour nous séduire, des imaginations fertiles en ruses, des esprits très savants, très ingénieux ; Edgard Poë, par exemple, et ses Histoires extraordinaires, ou Gilbert-Augustin Thierry avec Larmor, Marfa et cette Tresse blonde dont nous parlions tantôt.

Le vieil Apulée n’est pas non plus un imposteur médiocre, et celui-là aussi m’a donné, je l’avoue, l’illusion délicieuse du merveilleux. Je vais tout vous dire : Apulée, c’est mon péché. Je l’aime sans l’estimer, et je l’aime beaucoup. Il ment si bien ! il vous met si bien la nature à l’envers, spectacle qui nous remplit de joie à nos heures de perversité. Il partage si pleinement, pour le satisfaire, ce goût dépravé de l’absurde, ce désir du déraisonnable que chacun de nous porte caché dans un repli de son cœur ! Quand l’harmonie du monde vous a lassés par son inexorable fixité, quand vous trouvez la vie monotone et la nature ennuyeuse, ouvrez l’Ane d’or et suivez Apulée, je veux, dire Lucius, à travers ses voyages extraordinaires. Dès le départ, une atmosphère de démence vous empoisonne et vous fait délirer. Vous partagez la folie de cet étrange voyageur :

 Me voilà donc au milieu de cette Thessalie, terre classique des
 enchantements, célèbre à ce titre dans le monde entier… Je ne
 savais où diriger mes vœux et ma curiosité ; je considérais
 chaque chose avec une sorte d’inquiétude. De tout ce que
 j’apercevais dans la ville, rien ne me paraissait être tel que
 mes yeux me le montraient. Il me semblait que, par la puissance
 infernale