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ROMAN ET MAGIE[1]


Avouons-le : nous avons tous au fond du cœur le goût du merveilleux. Les plus réfléchis d’entre nous l’aiment sans y croire, et ne l’en aiment pas moins. Oui, nous les sages, nous aimons le merveilleux d’un amour désespéré. Nous savons qu’il n’existe pas. Nous en sommes sûrs et c’est même la seule chose dont nous soyons sûrs, car s’il existait il ne serait plus le merveilleux, et il n’est tel qu’à la condition de n’être pas. Si les morts revenaient, il serait naturel et non pas merveilleux qu’ils revinssent. Si les hommes pouvaient se changer en bêtes, comme l’antique Lucius du conte, ce serait là une métamorphose naturelle et nous n’en serions pas plus étonnés que des métamorphoses des insectes. Il n’y a pas d’issue pour sortir de la nature. Et cette idée est en elle-même absolument désespérante. Le possible

  1. Apulée romancier et magicien, par M. Paul Monceaux, Quantin, éditeur, 1 vol. in-8o.