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de la malignité des hommes et des choses que du succès de ses propres négociations. Il est de ceux qui ont laissé l’espérance, et sa parole en garde un goût amer. Son éloquence est terriblement sincère. Elle trahit un orgueil stoïque qu’on croyait mort avec l’antique Brutus. M. Challemel-Lacour nous montre sans cesse sa raison debout sur les ruines du monde et semble dire : « Qu’importe que l’univers s’abîme, si moi je demeure ferme dans ma sagesse ! » Non ! La philosophie n’est jamais gaie. Et il faut dire aussi : La foi n’est jamais triste.

Voyez M. Chesnelong qui siège au Sénat sur les bancs de l’extrême droite. Ce n’est pas un philosophe. Au contraire, c’est un croyant. Tout respire en lui la foi la plus ardente. Son éloquence a les transports de l’éloquence sacrée. Elle garde même, dans les questions financières, le zèle pieux de l’apostolat. M. Chesnelong n’a guère pris la parole au Sénat que pour faire entendre des plaintes et des gémissements. Mais il y a de l’allégresse dans ses plaintes, une joie sereine se mêle à ses gémissements. Écoutez-le : il pleure. Mais l’hosannah éclate malgré lui dans son âme. Il est joyeux parce qu’il a la foi. Son large visage s’éclaire, à la tribune, d’un sourire paisible. M. Challemel-Lacour ne sourit jamais.

Et quelle vision pourrait donc l’égayer un moment ? Il est à jamais seul en face de sa haute raison dans le néant universel. Le Sénat applaudissait cette semaine le dernier des stoïciens.

Je ne sais si M. Buffet parlera cette année dans la discussion du budget. M. Buffet est un orateur excellent