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savante et qui m’enchante pour ce qu’elle contient d’art exquis, savez-vous ce que font mes bestioles aux ailes toujours agitées, mes petites Psychés anxieuses ? Elles me montrent ma vieille Bible en estampes, la bible que ma mère m’avait donnée et qu’enfant je dévorais des yeux avant même de savoir lire.

C’était une bonne vieille Bible. Elle datait du commencement du XVIIe siècle ; les dessins étaient d’un artiste hollandais qui avait représenté le paradis terrestre sous l’aspect d’un paysage des environs d’Amsterdam. Les animaux qu’on y voyait, tous domestiques, donnaient l’idée d’une ferme et d’une basse-cour très bien tenues. C’étaient des bœufs, des moutons, des lapins et un beau cheval brabançon, bien tondu, bien pansé, tout prêt à être attelé au carrosse d’un bourgmestre. Je ne parle pas d’Eve, en qui éclatait la beauté flamande ; c’étaient là des trésors perdus. L’arche de Noé m’intéressait davantage. J’en vois encore la coque ample et ronde, surmontée d’une cabane en planches. O merveille de la tradition ! j’avais parmi mes joujoux une arche de Noé exactement semblable, peinte en rouge, avec tous les animaux par couple et Noé et ses enfants faits au tour. Ce m’était une grande preuve de la vérité des Écritures. Teste David cum Sibylla. À dater de la tour de Babel, les personnages de ma Bible étaient richement habillés, selon leur condition, les guerriers à l’exemple des Romains de la colonne Trajane, les princes avec des turbans, les femmes comme les femmes de Rubens, les bergers en façon de brigands et les anges à la mode de