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LA VIE LITTÉRAIRE.

ont bâtie. Elle est auguste et sainte. Cela est vrai ; mais il est vrai aussi qu’il est écrit. « Tu ne tueras pas. » Il est vrai que la clémence est la plus intelligente des vertus et que la philosophie naturelle enseigne le pardon. D’ailleurs, quand il s’agit d’amour, pouvons-nous discerner notre cause ? Qui de nous est assez pur pour jeter la première pierre ? Il faut bien en revenir à l’Évangile. En matière de morale ce sont toujours les religions qui ont raison, parce qu’elles sont inspirées par le sentiment, et que c’est le sentiment qui nous égare le moins. Les religions n’uniraient point les hommes si elles s’adressaient à l’intelligence, car l’intelligence est superbe et se plaît aux disputes. Les cultes parlent aux sens ; c’est pourquoi ils assemblent les fidèles : nous sentons tous à peu près de même et la piété est faite du commun sentiment.

Il est arrivé à chacun de nous d’assister, dans quelque église, tendue de noir, à d’illustres obsèques. L’élite de la société, des hommes honorés, quelques-uns célèbres, des femmes admirées et respectées, étaient rangés des deux côtés de la nef, au milieu de laquelle s’élevait le catafalque, entouré de cierges. Tout à coup le Dies iræ éclatait dans l’air épaissi par l’encens, et ces stances composées, dans quelque jardin sans ombre, par un doux disciple de saint François, se déroulaient sur nos têtes comme des menaces mêlées d’espérances. Je ne sais si vous avez été touché ainsi que moi jusqu’aux larmes de cette poésie empreinte de l’austère amour qui débordait de l’âme des premiers franciscains. Mais je