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dire du temps où j’étais au collège, et ce n’est pas un temps bien ancien, les professeurs considéraient toutes les gravures indifféremment comme des objets de dissipation. Mon professeur de quatrième, entre autres, tenait pour une frivolité indigne d’un jeune humaniste le plus rapide regard jeté sur un portrait ou une estampe. Je me rappelle, non sans quelque rancune, qu’ayant surpris dans mes mains une vieille édition du Jardin des racines grecques, dont l’exemplaire relié en veau granit et à demi usé par quelque élève de M. Lancelot, de M. Lemaître ou de M. Hamon devait être sacré pour tout le monde, le cuistre le saisit, l’ouvrit rudement, puis déchira le frontispice qui représentait un enfant vêtu à l’antique ouvrant une grille seigneuriale de style Louis XIV et pénétrant dans un potager dessiné dans le goût de Le Nôtre, le jardin

 De ces racines nourrissantes
 Qui rendent les âmes savantes.

C’était là pourtant une innocente image, une naïve allégorie. Le dessin en était d’un bon style et la gravure assez ferme. Les solitaires de Port-Royal n’avaient pas craint d’en égayer un livre destiné aux élèves des Petites-Écoles. Un peu d’art n’alarmait pas leur austérité. Mais cet ornement profane, qu’avaient souffert les saints de la nouvelle Thébaïde, offensa mon barbacole ignare. Je le vois encore lacérant la jolie estampe de ses doigts lourds et crasseux, et c’est avec une sorte de joie vengeresse