Page:La Vie littéraire, II.djvu/294

Cette page n’a pas encore été corrigée

que je poursuis mon rêve. Car, enfin, les hommes qui vivaient entre le XIe siècle et le XVe étaient soumis comme nous aux lois infiniment complexes de la vie ; l’immense nature qui nous enveloppe les baignait comme nous dans l’océan des illusions ; ils étaient des hommes. Mais ils n’avaient ni nos craintes ni nos espérances, et leur monde, par rapport au nôtre, était tout petit. Si on le compare à l’univers de Galilée, de Laplace et du père Secchi, ce n’était véritablement qu’un ingénieux tableau à horloge. Il faut goûter la naïveté de leur imagination. Elle se peint en traits aimables dans les Miracles de la Vierge et dans les Vies des Saints. La critique savante de M. Gaston Pâris en est tout attendrie. N’est-ce-pas, en effet, une gracieuse histoire que celle de la nonne qui, par faiblesse de cœur, quitta son monastère pour se livrer au péché ? Elle y revint après de longues années, ayant perdu l’innocence, mais non pas la foi, car dans, le temps de ses erreurs, elle n’avait cessé d’adresser chaque jour une oraison à Notre Dame. Rentrée dans le monastère, elle entendit ses sœurs lui parler comme si elle ne les avait jamais quittées. La sainte Vierge, ayant pris le visage et le costume de celle qui l’aimait jusque dans le péché, avait fait pour elle l’office de sacristine, de sorte que personne ne s’était aperçu de l’absence de la religieuse infidèle. Mais M. Gaston Pâris sait un autre miracle plus touchant.

Il y avait une fois un moine d’une extrême simplicité d’esprit et si ignorant qu’il ne savait réciter autre chose qu’Ave Maria. Il était en mépris aux autres moines,