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Il y a là trois cavaliers symboliques, superbement enluminés :

  Le premier cavalier est jeune, frais, alerte ;
  Il porte élégamment un corselet d’acier,
  Scintillant à travers une résille verte
  Comme à travers des pins les cristaux d’un glacier.
  Son oeil est amoureux ; sa belle tête blonde
  A pour coiffure un casque, orné de lambrequins,
  Dont le cimier touffu l’enveloppe, l’inonde
  Comme fait le lampas autour des palanquins.
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  Le second cavalier, ainsi qu’un reliquaire,
  Est juché gravement sur le dos d’un mulet
  Qui ferait le bonheur d’un gothique antiquaire ;
  Car sur son râble osseux, anguleux chapelet,
  Avec soin est jetée une housse fanée,
  Housse ayant affublé quelque vieil escabeau,
  Ou carapaçonné la blanche haquenée
  Sur laquelle arriva de Bavière Isabeau.
  Il est gros, gras, poussif…

Ce second cavalier marque bien, ce me semble, le temps où l’hôtel de Cluny fut meublé des débris du moyen âge et devint un musée. Mais c’est le troisième cavalier… excusez-moi, le « tiers cavalier » qui révèle tout un idéal. Contemplez, je vous prie, ce tiers cavalier :

  Pour le tiers cavalier, c’est un homme de pierre,
  Semblant le Commandeur, horrible et ténébreux ;
  Un hyperboréen, un gnome sans paupière,
  Sans prunelle et sans front, qui résonne le creux
  Comme un tombeau vidé lorsqu’une arme le frappe.
  Il porte à la main gauche une faux dont l’acier
  Pleure à grands flots le sang, puis une chausse-trape
  En croupe où se faisande un pendu grimacier.

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