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Il se nourrissait seulement de pain et de sel, avec un peu d’eau. Il ne mangeait qu’une fois le jour après le soleil couché et restait quelquefois deux ou trois journées sans prendre aucun aliment. Il passait souvent la nuit sans dormir, et, s’il se reposait, c’était ou sur la terre nue, ou sur des joncs, ou sur un cilice. C’est là qu’il commença à être tenté. La reine de Saba ne vint point le visiter avec un nombreux cortège. Il n’imaginait rien de semblable, et ses tentations étaient naturellement proportionnées à son esprit. Les démons qui tentent les jeunes paysans sont empreints eux-mêmes de jeunesse rustique. Nous ne savons rien de précis sur les femmes que vit Antoine dans le désert ; mais il est infiniment probable que, vêtues d’une chemise bleue, fendue sur la poitrine, elles portaient, comme les fellahines, une cruche sur la tête. Ces femmes le jetaient dans un grand trouble. Tout ce qui nous est rapporté des tentations du saint homme est d’une simplicité enfantine. Les démons l’abordaient de nuit avec une grande lumière. « Nous venons pour t’éclairer », disaient-ils, et ils ébranlaient la cellule de l’ermite. Puis ils prenaient la fuite et revenaient soudain en battant des mains, en sifflant, en sautant.

Pour le tenter, l’un d’eux lui présenta un pain ; un autre, de l’or. Au nom de Jésus-Christ, ces malins esprits, saisis de fureur, s’entre-frappaient les uns les autres. Un d’eux, comme le génie qui apparaît au pêcheur des Mille et une Nuits, se présenta sous la forme d’un géant dont le front touchait le ciel. Mais Antoine lui cracha au visage, et le géant s’évanouit. Ces hallucinations