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hommes sur neuf cent vingt. Sans capote, par 8 degrés de froid, ils marchaient dans la neige avec de mauvais souliers, combattaient chaque jour, manquaient de pain et restaient joyeux.

Les gardes nationales ont aussi leurs pages glorieuses dans ce livre de sang. Les Spartiates aux Thermopyles, les grenadiers à Waterloo ne furent pas plus intrépides que les gardes nationales, en sabots et en chapeaux ronds, à la Fère-Champenoise. M. Henry Houssaye a tracé un tableau enflammé de cette bataille, d’après la relation inédite d’un des généraux. Les gardes nationales étaient 4000 ; ils convoyaient 200 voitures de munitions. D’abord attaqués par 6000 cavaliers, ils percèrent ces masses et marchèrent en avant. L’ennemi reçut des renforts ; 4000 Prussiens, puis toutes les cavaleries des deux grandes armées : 20 000 cavaliers enveloppaient les Français, réduits à moins de 2000 et formés en trois carrés. Les gardes nationales refusaient de se rendre. Ayant épuisé leurs cartouches, ils recevaient les charges sur la pointe de leurs baïonnettes tordues par tant de chocs. Enfin, une nouvelle décharge de 72 pièces de canon ouvrit une brèche dans ces murailles vivantes. Les cavaliers s’y engouffrèrent. À peine si cinq cents de ces héros échappèrent. Le tsar était profondément ému de cette résistance sans espoir. Plus tard, quand Talleyrand lui parlait du vœu des Français pour les Bourbons, le souverain russe rappelait les gardes nationales de la Fère-Champenoise tombées sous la mitraille en criant : « Vive l’empereur ! »