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parmi ces âmes coupables seulement d’avoir vécu dans l’ignorance de la loi sainte ? De tous les philosophes de l’antiquité, Pyrrhon fut le plus sage. Non seulement il pratiqua des vertus que le christianisme a sanctifiées, non seulement il fut humble, patient et résigné, amoureux de la pauvreté, mais encore il professa la doctrine la plus vraie de toute l’antiquité profane, la seule qui s’accorde exactement avec la théologie chrétienne. Né dans les ténèbres du paganisme, il connut qu’il était sans lumière et il faut le louer hautement d’avoir flotté dans l’incertitude. Encore aujourd’hui, si on a le malheur de n’être pas chrétien, la sagesse est d’être pyrrhonien. Que dis-je ? En tout ce qui n’est point article de foi, le philosophe chrétien est lui-même un pyrrhonien : il reste en suspens. Tout ce qui n’a pas été révélé est sujet au doute. Ce serait même une question de savoir si la religion chrétienne n’a pas fourni au scepticisme de nouveaux arguments et si la foi aux mystères ainsi qu’aux miracles n’a pas rendu la nature plus incompréhensible et la raison plus incertaine. »

L’abbé s’arrêta un moment devant la maison du zèbre. Il se frappa la poitrine.

« Pour moi, ajouta-t-il, c’est le monde invisible qui me révèle le monde visible. Je ne crois à la réalité de l’homme que parce que je crois à l’existence de Dieu. Je sais que j’existe uniquement parce que Dieu me l’a dit. L’Éternel m’a parlé, docutus est patribus nostris, Abraham et seminis ejus in sæcula. Et j’ai répondu : Me voici donc puisque vous m’avez parlé. Hors la révélation,