Page:La Vie littéraire, II.djvu/147

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
121
les torts de l’histoire.

sacrée jusqu’ici aux personnages illustres et aux événements extraordinaires, s’attache désormais aux actes journaliers de la vie des peuples. À cet égard, il faut le reconnaître, le prix des fers ou le taux de la rente instruisent mieux que le récit d’une bataille ou de l’entrevue de deux souverains.

M. Bourdeau veut qu’on sache comment ont vécu les millions d’êtres obscurs dont l’énergie harmonieuse fait la vie d’un peuple. Il veut que cette grande activité collective soit décomposée, étudiée pièce à pièce, méthodiquement, notée, chiffrée.

« Voilà, dit-il, l’histoire qu’il faudra faire désormais, non seulement pour les jeunes États qui, comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Canada, la Plata, se fondent dans des conditions si nouvelles, mais même pour les vieilles sociétés d’Europe qui aspirent, à se régler aussi sur un idéal d’ordre, de travail, de paix et de liberté. Au point où nous sommes parvenus, toute autre manière d’étudier l’histoire est inexacte et puérile. Une réforme s’impose et se fera par les historiens ou contre eux. L’âge de l’historiographie littéraire touche à son terme ; celui de l’histoire scientifique va commencer. Quand elle sera capable de nous retracer la vie d’un peuple, dans le sens que nous indiquons, on verra qu’aucun récit ne présente autant d’intérêt, d’enseignement et de grandeur. »

Je n’y contredis point. Créez la science de l’histoire : nous y applaudirons. Mais laissez-nous l’art charmant et magnifique des Thucydide et des Augustin Thierry.