Page:La Vie littéraire, II.djvu/143

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
117
les torts de l’histoire.

tronqués, mutilés, différents de ce qu’ils furent. Quant aux rapports des faits entre eux, n’en parlons pas. Si un fait dit historique est amené, ce qui est possible, par un ou plusieurs faits non historiques et par cela même inconnus, comment l’historien pourra-t-il marquer la relation de ces faits ?

» Et je suppose que l’historien a sous les yeux des témoignages certains, tandis qu’en réalité, il n’accorde sa confiance à tel ou tel témoin que par des raisons d’intérêt ou de sentiment. L’histoire n’est pas une science, c’est un art, et on n’y réussit que par l’imagination. »

Ce sont là, précisément, si je ne me trompe, les idées fondamentales sur lesquelles M. Louis Bourdeau s’appuie pour refuser à l’histoire toute valeur scientifique. Il reproduit cette définition du Dictionnaire de l’Académie : « L’histoire est le récit des choses dignes de mémoire. »

Et il ajoute :

« Une définition de ce genre, si elle convient assez aux ouvrages des historiens, ne saurait suffire à l’institution d’une science et, plus on la creuse, moins elle satisfait la raison. Que représentent, dans l’ensemble des développements de la vie humaine, les choses « dignes de mémoire » ? Ont-elles une essence propre, des caractères fixes ? Nullement. Cette qualification résulte d’une appréciation arbitraire qui échappe à toute règle… Jusqu’où doivent s’étendre, dans le détail, les tenants et aboutissants des choses célèbres ? Cela n’est pas indiqué.