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du Capitole, et la grâce morbide de ces quatorze vers a enchanté l’élite de mes lecteurs. Voici un autre sonnet d’un ton plus grave et non moins touchant :

UNE PIETÀ

Oh ! non, pas un blasphème et pas un désaveu ;
Mais je tombe, Seigneur, et je me désespère,
Mais quand ils ont planté le gibet du calvaire,
C’est dans mon cœur ouvert qu’ils enfonçaient le pieu !

Crois-tu que je t’aimais, moi dont le manteau bleu,
T’abrita quatorze ans comme un fils de la terre ?
Oh ! pourquoi, juste ciel, lui donner une mère ?
Qu’en avait-il besoin, puisqu’il était un Dieu ?

L’angoisse me dévore ; au fond de ma prunelle,
Roule toujours brûlante une larme éternelle
Qui rongera mes yeux sans couler ni tarir.

Seigneur, pardonnez-moi, je suis seule à souffrir.
Ma part dans cette épreuve est bien la plus cruelle,
Et je peux bien pleurer sans vous désobéir.

Je ne sais, mais il me semble que la poésie de Saint-Cyr de Rayssac est originale dans sa simplicité et qu’on y goûte un mélange particulier d’idéalisme et de sensualité. Je me figure que ce poète peut plaire à quelques délicats. Il est tout à fait inconnu. Je serai bien heureux si je l’avais fait goûter de quelques personnes bien douées. Celles-là penseraient de temps, en temps à moi et diraient : « Nous lui devons un ami. »