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soins d’Hippolyte Babou. Le public ne les connut pas. Les poètes de métier, je dois le dire, ne les goûtèrent que médiocrement. Saint-Cyr de Rayssac est un poète négligé. Cela ne se pardonnait pas en 1878. Ses sonnets ne sont pas réguliers. Ils sont rimés avec peu d’exactitude. On le vit et l’on ne vit pas que le sentiment en est rare et souvent exquis.

On lui sut mauvais gré d’être de l’école de Musset et de défendre l’auteur des Nuits. Musset passait pour léger, on l’en méprisait ; Saint-Cyr ne l’en admirait que plus.

Oh ! léger ! quelle gloire. — Amis, soyons légers,
Légers comme le feu, les ailes et la plume,
Comme tout ce qui monte et tout ce qui parfume,
Comme l’âme des fleurs dans les bois d’orangers.

Je le reconnais. Saint-Cyr de Rayssac a bien des défauts : chez lui, l’expression est parfois molle et incertaine. Mais il est simple, naturel, harmonieux ; il a le goût excellent, le style pur, le vers facile et chantant. N’est-ce donc rien que cela ? Il est profondément, intimement poète. Il a des images neuves. N’eût-il écrit que ces trois vers, sur la Madeleine du Corrège, je l’aimerais de tout mon cœur :

La voilà donc ; pieds nus, la belle pécheresse,
Pieds nus, cheveux en pleurs, et la tiède paresse
Gonfle, en les déroulant, les anneaux de sa chair.

Que cela est expressif et senti !

J’ai cité l’autre jour le sonnet Sur le Génie funèbre