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Pour échapper au trouble qui l’envahissait, il eut recours aux jeûnes et aux prières. Mais, au milieu des actes de foi et des œuvres de pénitence, il ne demandait à Dieu qu’une chose, le pardon de Judas. En ce temps de crise morale, il était un des vicaires de Notre-Dame de Paris. Une nuit, il entra par une petite porte dont il avait la clef dans la cathédrale déserte et silencieuse, qu’éclairait confusément la lune. Il s’avança jusqu’au pied du maître-autel, et là, s’étant prosterné le front sur la dalle, il fit cette prière :

« Mon Dieu, Dieu de justice et de bonté, s’il est vrai, comme j’en ai l’intime créance, que vous avez pardonné au plus malheureux de vos disciples, faites-moi connaître par un signe certain cette ineffable merveille de votre miséricorde. Envoyez à votre serviteur l’apôtre Judas qui siège aujourd’hui à votre droite parmi vos élus. Que l’Iscariote vienne de votre part et qu’il pose sa main sur mon front prosterné ! Par ce signe, je serai sacré prêtre du pardon, selon l’ordre de Judas, et j’annoncerai aux hommes la bonne nouvelle que vous m’avez révélée. »

À peine le vicaire eut-il achevé cette prière qu’il sentit une main douce et tiède se poser sur son front. Il se releva radieux et tout en larmes.

Dès qu’il fit jour, il alla conter à l’archevêque sa prière de la nuit et l’investiture qu’il avait miraculeusement reçue. Vous devinez l’accueil qu’on lui fit. Pour moi, qui ne suis pas archevêque, j’éprouve une vive et profonde sympathie pour le pauvre visionnaire et je trouve dans sa folie une bienveillante sagesse. Je suis touché de l’entendre