choses s’ils n’avaient été contraints, par une union intolérable et indissoluble, de s’entre-dévorer.
Celui qui devait rédiger l’acte additionnel, collaborer au Mercure de 1816 et, aux heures critiques, défendre la liberté à la tribune de la Chambre, celui-là n’était pas né avec un généreux amour des hommes. Il n’était lié à eux par aucune sympathie. Quand il put les connaître, il les méprisa.
« Je ménage les autres, mais je ne les aime pas. De là vient qu’on me hait peu et qu’on ne m’aime guère. — Je ne m’intéresse guère plus à moi qu’aux autres. » Sismondi lui reproche de ne jamais parler sérieusement. « C’est vrai, dit-il, je mets trop peu d’intérêt aux personnes et aux choses, dans la disposition où je suis, pour chercher à convaincre. Je me borne donc au silence et à la plaisanterie. La meilleure qualité que le ciel m’ait donnée, c’est celle de m’amuser de moi-même. » Dans ces dispositions, il lui était difficile de nourrir des illusions sur les bienfaits de la liberté. Il s’était montré favorable aux débuts de la Révolution, mais sans ardeur et sans beaucoup d’espoir. Il écrivait en 1790 : « Le genre humain est né sot et mené par les fripons. C’est la règle ; mais, entre fripons et fripons, je donne ma voix aux Mirabeau et aux Barnave plutôt qu’aux Sartine et aux Breteuil. »
Ce n’est pas là certes l’accent du tribun libéral. Ce front est encore glacé. Un souffle embrasé sorti des lèvres d’une femme l’échauffera six ans plus tard.