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J’éprouve quelque embarras à rappeler la suite d’une vie si connue. On sait que Benjamin Constant se maria une seconde fois en Allemagne et que cette seconde union, plus orageuse que la première, lui fut aussi plus supportable. Rentré en France en 1814, il se rallia à la monarchie constitutionnelle. Le 19 mars 1815, alors que Napoléon, revenu de l’île d’Elbe, était déjà à Fontainebleau, Benjamin Constant écrivit dans les Débats, sous une inspiration qui a été tardivement révélée, un véhément article que termine une phrase trop célèbre : « Je n’irai pas, misérable transfuge, me traîner d’un pouvoir à l’autre, couvrir l’infamie par le sophisme et balbutier des mots profanés pour racheter une vie honteuse. » Un mois s’était à peine écoulé que Benjamin Constant, conseiller d’État de l’empereur, rédigeait l’acte additionnel. Banni comme traître par la deuxième Restauration, il put rentrer en France dès 1816. En 1819, il fut envoyé à la Chambre des députés, où il resta jusqu’à la fin le chef éloquent de l’opposition constitutionnelle. La révolution de 1830, sa fille reconnaissante, l’appela à la présidence du conseil d’État. Mort le 8 décembre 1830, il eut des funérailles populaires.

Voilà les lignes principales de sa vie. Elles sont brisées et contrariées. Si l’on pénètre dans le détail des actions, si l’on entre dans l’âme, on découvre des contradictions qui étonnent, des luttes intestines dont la violence effraye, et l’on se dit : Il y avait en cet homme plusieurs hommes qui eussent fait de belles et grandes