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LA VIE LITTÉRAIRE.

devint lépreux par la volonté de Notre-Seigneur. Sa femme, qui se nommait Obias, le détestait. Elle avait essayé plusieurs fois de l’étrangler… »

Voilà un narrateur qui ne s’étonne de rien ! C’est à compter du quinzième siècle que nous rencontrons, non plus des chanteurs ambulants, mais de vrais écrivains, capables de faire un bon récit. Tel est l’auteur du Petit Jehan de Saintré. Il n’aimait pas les moines ; c’est une disposition commune à tous les vieux conteurs ; mais il savait dire. Tels sont les gentilshommes du dauphin Louis, qui composèrent à Genappe en Brabant, de 1456 à 1461, le recueil connu sous le titres des Cent Nouvelles nouvelles du roi Louis XI. L’invention en semble un peu maigre ; mais le style en est vif, sobre, nerveux. C’est du bon vieux français. Ces contes ne manquent pas d’esprit ; ils sont courts et il y en a bien dix au cent qui font sourire encore aujourd’hui. Ne trouvez-vous point fort agréable, par exemple, l’histoire de ce bon curé de village qui aimait tendrement son chien ? La pauvre bête étant morte, le bonhomme, sans penser à mal, la mit en terre sainte, dans le cimetière où les chrétiens du lieu attendaient en paix le jugement dernier et la résurrection de la chair. Par malheur, l’évêque en eut vent. C’était un homme avare et dur. Il manda l’ensevelisseur et lui fit de grands reproches. Il l’allait mettre en prison, quand l’autre « parla de bref » ainsi qu’il suit :

— En vérité, monseigneur, si vous eussiez connu