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M. GUY DE MONTPASSANT.

toute nue. En la voyant svelte, riante, gracieuse et blanche, Graélent oublia la biche. »

La bonne Marie conte la suite avec un naturel parfait : Graélent trouve la demoiselle à son gré et « la prie d’amour ». Mais, voyant bientôt que ses prières sont vaines, « il l’entraîne de force au fond du bois, fait d’elle ce qui lui plaît et la supplie très doucement de ne point se fâcher, en lui promettant de l’aimer loyalement et de ne la quitter jamais. La demoiselle vit bien qu’il était bon chevalier, courtois et sage. — « Graélent, dit-elle, quoique vous m’ayez surprise, je ne vous en aimerai pas moins ; mais je vous défends de dire une parole qui puisse découvrir nos amours. Je vous donnerai beaucoup d’argent et de belles étoffes. Vous êtes loyal, vaillant et beau. » La poétesse Marie ajoute que dès lors Graélent vécut en grande joie. C’était un bel ami.

Vraiment, les conteurs du xiiie siècle disent les choses avec une incomparable simplicité. J’en trouve un exemple dans la célèbre histoire d’Amis et Amiles.

« Arderay jura qu’Amiles avait déshonoré la fille du roi ; Amis jura qu’Arderay en avait menti. Ils se lancèrent l’un contre l’autre et se battirent depuis l’heure de tirce jusqu’à none. Arderay fut vaincu et Amis lui coupa la tête. Le roi était en même temps triste d’avoir perdu Arderay et joyeux de voir sa fille lavée de tout reproche. Il la donne en mariage à Amis, avec une grande somme d’or et d’argent. Amis