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souffrirait aujourd’hui. Leur esprit se ressentait de la vie de château qu’elles menaient et qui est, en somme, une vie rustique. Il leur échappait parfois des propos salés. Hélène raconte qu’il y avait dans la classe rouge une maîtresse qu’on ne pouvait souffrir, nommée madame de Saint-Jérôme. « Comme elle avait la peau fort noire et dom Rigoley (son confesseur) aussi, quelques-unes s’avisèrent de dire que, si on les mariait ensemble, il viendrait des taupes et des négrillons. Quoique ce fût une grande bêtise, cette plaisanterie devint si fort à mode, que l’on ne parlait que de taupes et de négrillons dans toute la classe. »

Fermeté, fierté, non sans quelque rudesse, voilà ce qui gonflait en 1780 les jeunes poitrines de celles qui bientôt devaient voir sans pâlir crouler leurs maisons et finir leur monde.

Mais, à tout prendre, de nos filles aux leurs, il n’y a à cet égard que des nuances. Un trait tout autre marque la véritable différence. Nos jeunes bourgeoises sont plus inquiètes et plus troublées que ne le furent les filles nobles d’autrefois. Il ne semble pas que celles-ci eussent beaucoup de vague dans l’âme. Nos filles parfois en ont trop. Voyez la Jeanne Avril de M. Robert de Bonnières :

« Elle avait des aspirations confuses vers de grandes choses, sans savoir lesquelles. Une impatience était en elle qui l’emportait dans des régions élevées au-dessus des sages pratiques et des soucis vulgaires. » (Jeanne Avril.)