Page:La Vie littéraire, I.djvu/51

Cette page a été validée par deux contributeurs.
27
M. ALEXANDRE DUMAS.

gens admiraient qu’ils eussent tant d’importance dans l’autre monde, quand on leur en donnait si peu dans celui-ci. Ils en concevaient un orgueil et une épouvante qui les jetaient dans toutes les fureurs de l’ascétisme. M. Feuillet les expédiait au ciel en deux ou trois ans au plus. Voilà un bon directeur spirituel, ou je ne m’y connais pas !

Je ne crains pas de dire que M. Alexandre Dumas procède plus de M. Feuillet que de M. Renan. Il nous présente de nos péchés une image grossie et colorée qui nous étonne, nous intéresse et nous trouble. Il nous montre plus grands et plus forts dans le mal que nous ne sommes réellement ; c’est par cette flatterie qu’il nous prend : elle lui suffit et il se garde bien de nous en faire d’autres. Les personnes pieuses ne s’offenseront pas, j’espère, si j’ai comparé M. Alexandre Dumas au chanoine de Saint-Cloud. On reconnaît généralement que l’auteur des Idées de Madame Aubray est un mystique. Il a vu la Bête et soufflé l’esprit de Dieu aux comédiennes du Gymnase et de la Comédie-Française. Il est vrai qu’il n’est pas catholique et qu’il ne professe aucune religion révélée. C’est même ce qui l’empêche d’être un saint. Car, ne vous y trompez pas, il y a en cet homme l’étoffe d’un saint, et plus d’un bienheureux dont on lit le nom sur le calendrier était bâti comme lui. Je ne parle pas des saints de la dernière heure, abâtardis et crasseux, d’un curé d’Ars ou d’un saint Labre, ou d’un Louis de Gonzague, dont la modestie était si grande,