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santes par elles-mêmes et se prêtent naturellement au bien-dire. Il y a un bon style de finances comme il y a un bon style littéraire.

Mais je reviens à ma querelle. Je m’y obstine d’autant plus que c’est une mauvaise querelle. J’aurais voulu que M. Léon Say dit à Jules Sandeau, dans son aimable langage, — pourquoi ne pas l’avouer ? — tout ce que je voudrais dire moi-même. Au fond, nous ne reprochons jamais aux gens que de ne pas sentir et de ne pas penser comme nous.

C’est que, pour moi, Sandeau, c’est mieux encore qu’un délicat écrivain et qu’un romancier poète, c’est un souvenir d’enfance. Que de fois, en allant ou revenant du collège, je l’ai rencontré, ce brave homme dont la bienvenue souriait à tout le monde, sur les quais illustres où il était chez lui ; car ils sont la patrie adoptive de tous les hommes de pensée et de goût. L’excellent vieillard ! On peut dire de celui-là qu’il avait le dos bon, un de ces larges dos qui, visiblement, ont porté avec un naïf courage le fardeau de la vie et que les douleurs de l’âme ont courbé lentement. Il n’était point beau, ni guère brave en ses habits. Je lui connus longtemps un grand pardessus, devenu vert et jaune, qui remontait par derrière et pendait en pointe par devant. Avec cela, le chapeau sur l’oreille et un pantalon à la hussarde ; en sorte que la crânerie se mêlait chez ce vieillard à la bonhomie. Les braves gens ressemblent presque tous en quelque sorte à des soldats. Sandeau, avec ses yeux limpides,