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GEORGE SAND.

excellent ! Il y a chez les hommes un incessant désir, un perpétuel besoin d’orner la vie et les êtres. Madame Sand a dit si bien : « Par une loi naturelle, l’esprit humain ne peut s’empêcher d’embellir et d’élever l’objet de sa contemplation. » Pour embellir la vie, que n’avons-nous pas inventé ? Nous nous sommes fait de magnifiques habits de guerre et d’amour et nous avons chanté nos joies et nos douleurs. Tout l’effort immense des civilisations aboutit à l’embellissement de la vie. Le naturalisme est bien inhumain : car il veut défaire ce travail de l’humanité entière. Il arrache les parures, il déchire les voiles ; il humilie la chair qui triomphait en se spiritualisant, il nous ramène à la barbarie primitive, à la bestialité des cavernes et des cités lacustres.

Ce peut être là un plaisir de décadent. Mais il serait dangereux de le goûter avec trop d’obstination ; il mène à une irrémédiable grossièreté, à la ruine de tout ce qui fait le charme et les grâces de l’existence. Madame Sand fut un grand artisan d’idéal : c’est pour cela que je l’aime et que je la vénère. On me dit que le livre de M. Caro est fort bien accueilli du public et qu’il s’enlève avec rapidité sous les galeries de l’Odéon. Tant mieux ! Il faudrait nous réjouir grandement si ce succès était le signe du retour de l’idéal dans l’art.

On me dit aussi que les romans de George Sand, trop oubliés aujourd’hui, retrouveront des lecteurs. Je le souhaite ; je voudrais qu’on lût non seulement