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chez les disciples de Christus, transformées par un sentiment nouveau : l’amour d’un Dieu homme et d’un Dieu crucifié, amour sensible, ardent, pleins de larmes, de confiance, de tendresse, d’espoir. Évidemment, ni les forces naturelles personnifiées ni le Dieu abstrait des stoïciens n’ont jamais inspiré rien de pareil. Et cet amour de Dieu, source et commencement des autres vertus chrétiennes, leur communiquait une pureté, une douceur, une onction et comme un parfum que je n’avais pas encore respiré. »

Voilà ce qui l’attire. Voici maintenant ce qui l’éloignerait s’il n’était retenu par le chaste attrait de Séréna :

« L’idée que mes nouveaux frères avaient de ce monde et de cette vie heurtait en moi je ne sais quel sentiment de nature… Malgré mon pessimisme persistant…, il me déplaisait que des hommes méprisassent si fort la seule vie, après tout, dont nous soyons assurés. Puis je les trouvais par trop simples, fermés aux impressions artistiques, bornés, inélégants… Un peu de souci de la patrie romaine se réveillait en moi ; je m’effrayais du mal que pouvait faire à l’empire, si elle continuait de se répandre, une telle conception de la vie, un tel détachement des devoirs civils et des occupations profanes… J’étais choqué que ces saints fussent si sûrs de tant de choses, et de choses si merveilleuses, quand j’avais, moi, tant cherché sans trouver, tant douté dans ma vie, et mis finalement mon orgueil dans mon incroyance. »